Les opérateurs de télécommunication dans le collimateur du fisc nigérien

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Les compagnies de téléphonie mobile exerçant au Niger (Niger Télécoms, Airtel, Orange et Altantic Télécoms) sont depuis un certain temps dans le collimateur de la direction générale des impôts (DGI) dont les services ont mis sous scellé les locaux de certains de ces opérateurs à Niamey pour non paiement d'impôts.

Au terme d'un redressement fiscal, selon des sources proches de la DGI, l'opérateur Airtel Niger, de droits éthiopiens, doit s'acquitter de 77 milliards de francs CFA (133, 4 millions de dollars) d'impôts, Orange Niger, à capitaux français, de 22 milliards (38,12 millions de dollars), la compagnie nationale Niger Télécoms de 19 milliards (33 millions de dollars), et pour Altantic Télécoms (Moov Niger), marocain, le montant à payer est de 4 milliards de francs CFA (7 millions de dollars).

Pour avoir contesté la somme qui lui a été réclamée, l'opérateur Orange Niger a vu ses locaux fermés depuis le 29 novembre dernier par les services des impôts. Il réfute les montants réclamés qui constituent, selon un communiqué de la direction générale, près de 50% du chiffre d'affaires annuel d'Orange Niger, "alors même que, depuis sa création, elle a toujours entretenu un dialogue constructif avec les autorités".

Orange Niger affirme être "un acteur majeur de l'économie du Niger et compte 2,4 millions de clients, 532 salariés nigériens, représentant plus de 52.000 emplois directs et indirects au Niger. L'impact de ses activités télécoms et sociétales représentent 2,89 % du PIB national du pays".

Depuis vendredi dernier, c'est l'opérateur Airtel Niger qui est à son tour mis sous scellé, après l'expiration du délai imparti pour s'acquitter de ses devoirs fiscaux.

Réagissant dans un communiqué rendu public samedi, la direction de la compagnie "regrette la rapidité avec laquelle les explications soumises par Airtel Niger ont été rejetées", et précise qu'"il résulte de ce redressement une demande disproportionnée représentant environ 70% des revenus annuels de la société".

"Airtel Niger demeure donc dans l'espoir d'une solution à cette situation regrettable, dans l'intérêt de ses 4,4 millions d'abonnés au Niger et dans le but de préserver et protéger les plus de 500 emplois directs et indirects que son activité commerciale génère dans le pays", a-t-elle fait savoir.

Tous les autres opérateurs se sentent désormais exposés au même sort si jamais ils ne s'acquittent de leurs engagements vis-à-vis du fisc dans les délais impartis.

Alors même que certaines compagnies comme Orange Niger et Airtel Niger menacent de fermer et de mettre plus d'un millier de salariés nigériens au chômage, les mesures prises par la DGI semblent être favorablement accueillies par une grande partie de la population, qui encourage même les autorités compétentes à persévérer.

Selon M. Amadou Bounty Diallo, enseignant-chercheur à l'université Abdou Moumouni de Niamey, qui s'est exprimé dans un débat sur une chaine privée nigérienne, "Orange est une entreprise française qui est venue chercher de l'argent au Niger, qui doit de l'argent au Niger. Dans le passé, l'Etat s'est fait gruger avec la complicité de certains Nigériens, mais aujourd'hui, face à l'urgence où le pays a besoin de liquidité, la gouvernance au niveau des finances ayant changé, on demande à Orange de se mettre en conformité par rapport à la loi sur les impôts ".

Pour le journaliste indépendant Garé Amadou, "ces opérateurs de téléphonie étrangers ne sont pas au dessus des lois nigériennes, si au lieu de se conformer, ils menacent de quitter, mais qu'ils s'en aillent, il y'a d'autres opérateurs qui veulent venir. Ils font du chantage affectif".

"On a fait des cadeaux fiscaux à des gens, qui rapatrient notre argent en Europe et qui viennent berner les Nigériens", estime Boubacar Lawali, acteur de la société civile, pour qui l'opérateur Orange Niger, comme les deux autres (Airtel Niger et Moov Niger) sont assis sur les installations de l'ancien Sahelcom (opérateur historique nigérien), avec un signal donné par l'actuel Niger télécom. "Ils se croient en territoire conquis, ils pensent qu'ils peuvent continuer à faire ce qu'Areva a fait pour gruger le Niger", a-t-il indiqué, soulignant qu'"Orange Niger doit payer toutes ses redevances, plier bagages, la question du chômage est une question de souveraineté nationale".

Pour rappel, les organisations de la société civile nigérienne organisent régulièrement depuis près d'un an des manifestations sur le territoire national pour contraindre le gouvernement à revenir sur certaines mesures impopulaires dont les cadeaux fiscaux accordés à certaines catégories de contribuables, notamment les compagnies de téléphonie, contenues dans la loi de finances 2018.

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