Malcolm X et le nationalisme noir

Nous vous invitons à (re)découvrir la vie de l'un des leaders politiques noirs les plus influents de l'histoire contemporaine : Malcolm X.

Malcolm

Le dimanche 21 février 1965, il y a tout juste 50 ans, Malcolm X était froidement et lâchement assassiné par des extrémistes « Noirs, armés par des Blancs » qui voulaient à tous prix faire taire l’une des voix prééminentes de la communauté noire et de tous les opprimés d’Amérique. Depuis cet assassinat crapuleux, Malcolm X est devenu, au cours des décennies, l’un des Afro-américains les plus célèbres à travers le monde. Au-delà du symbole qu’il représente et du mythe qu’il est devenu, bien malgré lui, Malcolm X a influencé nombre d’intellectuels, artistes, sportifs, hommes politiques, leaders d’opinion, voire de simples citoyens, qui ont trouvé dans ses discours une source d’inspiration.

FLASHBACK :

Personnellement, mon histoire avec Malcolm X a commencé en 1985, il y a 30 ans, en parcourant un numéro de Jeune Afrique (que je garde encore jalousement dans mes archives personnelles) dans lequel un article était consacré à celui que la presse de l’époque considérait comme « le Noir le plus en colère d’Amérique ». Je n’étais qu’un enfant à l’époque et j’ignorais à ce moment-là que Malcolm X et moi n’allions plus jamais nous quitter. Plus tard, au début des années 1990, en me documentant plus largement sur le personnage, j’ai compris la fascination qu’il exerçait sur des millions de jeunes noirs (Américains, Africains et Caribéens, etc.) dans les années 1960-1970. Comme d’autres, j’ai porté un tee-shirt Malcolm X, des casquettes Malcolm X ; Comme bien de jeunes noirs, j’ai eu un poster de Malcolm X collé sur le mur de ma chambre.

Dès la fin des années 1950, Malcolm X a incarné (et incarne encore aujourd’hui) la révolte, la colère et les frustrations d’une jeunesse noire méprisée, exploitée, stigmatisée et dominée. Il incarne la voix des « sans-voix », la voix des opprimés.

A l’occasion du cinquantenaire de sa disparition, c’est donc l’histoire, le parcours et la philosophie politique de cette icône du nationalisme noir que je voudrais partager avec vous aujourd’hui…

Malcom1

L’enfance difficile d’une future icône du nationalisme noir :

Malcolm Little, mondialement connu sous le nom de Malcolm X, est né le 19 mai 1925 à Omaha dans l’Etat du Nebraska, au nord des Etats-Unis. Il est le fils de Earl Little, un pasteur baptiste très engagé dans le mouvement de libération des Noirs et converti aux idées du leader panafricaniste Marcus Garvey qui prône dès les années 1910 le retour des Afro-américains en Afrique (notamment au Liberia) et refuse catégoriquement l’assimilation et l'intégration des Noirs à la société américaine. Les thèses de Marcus Garvey qui exhorte les masses noires à retourner en Afrique auront, plus tard, une grande influence sur le positionnement politique et idéologique de Malcolm X.  

Malcomx2

Le pasteur Earl Little est également membre de l'Association universelle d'amélioration de la condition des Noirs (Universal Negro Improvement Association, UNIA). Ce lien avec l’UNIA lui vaudra de nombreuses déconvenues avec le Ku Klux Klan (KKK), une organisation criminelle, fondée en 1866 dans le Tennessee, qui prône la suprématie de la « race » blanche et terrorise les Noirs en recourant à des méthodes brutales, violentes et illégales (intimidations, attentats, lynchages, assassinats, …). Dans les années 1920, le Ku Klux Klan compte environ 2 millions de membres répartis sur tout le territoire américain et partageant la haine des étrangers, des Juifs, des catholiques et, bien sûr, des Noirs. La famille de Malcolm est menacée par le Ku Klux Klan.

  

Scene de linchageScène de lynchage dans l'Indiana, en 1930, sous le regard indifférent des spectateurs.

Photo ku klux klanPhoto d'une cérémonie du Ku Klux Klan prise dans les années 20.

La cérémonie s'intitulait " le baiser au drapeau américain ".

Sa mère, Louise Norton, est une métisse née à la Grenade, aux Antilles. Elle est le fruit du viol de sa mère par un Blanc. Malcolm tenait donc son teint relativement clair du viol de sa grand-mère.  Haïssant par-dessus tout son teint clair et le sang blanc coulant dans ses veines, Louise Norton épousa Earl Little, entre autres, parce qu'il avait le teint très foncé. Portant cette « honte », elle voulait des enfants au teint plus foncé. Toutefois, dans une Amérique raciste et ségrégationniste, Malcolm a longtemps pensé qu’avoir le teint métissé était une chance de réussite, un « moyen d’ascension sociale ». Pour mieux ressembler au modèle dominant (l’homme blanc) de la société américaine, il a d’ailleurs essayé de rendre son teint plus clair et ses cheveux moins crépus en les défrisant.

Malcom x parentsLouise et Earl Little (les parents de Malcolm X). 

La famille de Malcolm X a été très tôt confrontée à la violence raciale et à la terreur répandue par le Ku Klux Klan (KKK). Sa grand-mère maternelle a été violée par un Blanc (d’où le métissage de sa mère Louise Norton) et quatre de ses oncles ont été assassinés par des Blancs.

En 1926, la famille Little emménage à Milwaukee (dans le Wisconsin), puis à Lansing (dans le Michigan).

En 1929, leur maison est incendiée par des suprématistes blancs affiliés au Ku Klux Klan (à cette époque, l’Etat du Michigan comptait environ 70.000 membres du KKK).

En 1931, le pasteur Earl Little est retrouvé mort sur les rails, écrasé par un tramway qui lui a roulé dessus et l’a coupé en deux. Bien que l’enquête de police, bâclée, ait conclu à un suicide, celle-ci est contestée par la communauté noire qui soupçonne alors les suprématistes blancs (proches du Ku Klux Klan) d’être responsables de cette mort épouvantable. 

Dessin paruDessin paru dans le Pèlerin en 1923

Déboutée par la justice et par les compagnies d’assurance, Louise Little fait une dépression nerveuse et est déclarée folle au regard de la loi en 1938, puis admise dans un hôpital psychiatrique en 1939. Malcolm et ses frères sont alors séparés et envoyés dans différents foyers d’accueil et orphelinats.

Malcolm se révèle être un bon élève au lycée et souhaite poursuivre des études de droit pour devenir plus tard avocat. Mais il perd tout intérêt pour les études et quitte le système scolaire lorsqu'un professeur qu'il admire lui dit que ses ambitions de devenir avocat n'étaient « pas du tout réalistes pour un nègre » et lui suggère de devenir plutôt charpentier, « un métier plus réaliste pour un nègre ».

Le passé de Malcolm est donc fait de violence physique, morale et psychologique. Malcolm est le produit d’une société américaine où les Noirs sont traités, considérés comme des sous-hommes ou, au mieux, comme des citoyens de seconde zone. Leur quotidien est fait d’humiliations, de discriminations et d’injustices en tous genres. Malcolm Little quitte assez tôt le système scolaire et se réfugie dans la délinquance pour survivre dans une société hostile.   

Entre délinquance et prison :

Passant d’une famille d’accueil à une autre, Malcolm Little séjourne également en centre de détention pour mauvaise conduite. Pour gagner sa vie, Malcolm multiplie les petits boulots (employé de chemin de fer, cireur de chaussures, laveur d’assiettes, …). Il se fait alors appeler « Big Red » à cause de ses cheveux roux, s’encanaille, fréquente la pègre de Boston, de Harlem et verse peu à peu dans la petite délinquance. De 1942 à 1946, il est au centre de nombreux trafics (drogue, jeux d’argent, prostitution, racket, paris clandestins, cambriolages…). En janvier 1946, avec son ami et complice « Shorty » Jarvis, Malcolm est arrêté pour vol caractérisé et port d’armes illégal. Il est condamné à 8 à 10 ans de prison ferme (il ne fera que 6 ans et demi) à la prison d'État du Massachusetts à Charleston.

En prison, ses codétenus le surnomment « Satan » du fait de son aversion pour le christianisme.         

Arrestation de malcomArrestation de Malcolm Little, janvier 1946.

La conversion à l’Islam :

C’est en prison que Malcolm Little découvre au début des années 1950 les enseignements et les principes religieux de « Nation Of Islam » (la « Nation de l'Islam »), une petite secte musulmane basée à Chicago et comptant à peine quelques centaines de membres. Durant une visite au parloir, son frère lui parle du “Vrai Dieu, Allah”, et de la “Vraie Religion des Noirs”, l’Islam et de son « Messager », Mahomet. Cette nouvelle religion est répandue en Amérique par un certain Elijah Poole, plus connu sous le nom d’Elijah Muhammad. Celui-ci prétend que les Blancs ont délibérément falsifié l’Histoire des Noirs qui ont subi un véritable lavage de cerveau après 400 ans d’esclavage et un siècle de ségrégation raciale. Selon Elijah Muhammad, les Noirs doivent se convertir à l’islam, abandonner le christianisme, la religion de leurs oppresseurs, se séparer des Blancs, et surtout s’autodéterminer en créant un Etat noir. Ce discours empreint de nationalisme et prêchant le séparatisme noir touche Malcolm Little. En effet, la Nation Of Islam prône une idéologie marquée par un islam rigoureux, un nationalisme noir, la revendication d'un État pour les Noirs dans le sud des États-Unis et le rejet systématique des Blancs qui sont « accusés » d'incarner le Mal sur terre. Les membres de la Nation Of Islam, communément appelés « Black Muslims », prédisent le retour imminent et inéluctable des Noirs à la place qui leur revient de droit, c’est-à-dire en haut de l'échelle sociale et de l'ordre social. 

Drapeau nation of islamUn drapeau de Nation of Islam. Les initiales « J, F, E et I » signifient

Justice, Freedom (liberté), Equality (égalité), Islam.

L’adhésion à la « Nation Of Islam » :

C’est en prison que Malcolm Little se convertit à la doctrine du « Messager ». Désormais, il profitera de son séjour derrière les barreaux pour s’informer, se cultiver et s’éduquer. Il développe un appétit certain pour la lecture. Il parfait son instruction en dévorant tous les livres de la bibliothèque de la prison, recopie le dictionnaire de A à Z pour connaître la signification de tous les mots. Il passe des journées et des nuits entières à lire les ouvrages des grands penseurs noirs (William E. B. du Bois, Marcus Garvey, Booker T. Washington, Frederick Douglass…), des philosophes européens (Spinoza, Kant, Marx, Hegel, ou Nietzsche…) et dévore les livres sur l’Histoire et les civilisations de l’Afrique noire. Pour Malcolm, ce séjour en prison est l’expérience la plus enrichissante de sa vie car, elle lui a permis de mieux se connaitre et mieux s’accepter en tant que Noir.

Malcolm se met en contact avec Elijah Muhammad, le gourou de la « Nation Of Islam », avec qui il correspond régulièrement jusqu’à la fin de son incarcération.          

Elijah muhammedElijah Muhammad, le gourou de la « Nation Of Islam ».

Le 7 août 1952, Malcolm Little est finalement libéré sur parole (libéré pour bonne conduite). Peu après sa libération, après six années d’incarcération (au lieu des huit à dix ans initialement prévus), Malcolm rencontre Elijah Muhammad à Chicago, marquant ainsi son intégration complète à la Nation Of Islam. Malcolm qui voue une admiration et une fidélité sans faille à Elijah Muhammad passera 12 ans à ses côtés et portera le message et les dogmes de la Nation Of Islam.        

Malcom et elijahEt Malcolm Little devint Malcolm X !

Assez rapidement, après sa rencontre avec Elijah Muhammad, Malcolm se débarrasse de son nom de famille « Little » pour celui de « X ». C’est un homme nouveau, totalement différent de celui qu’il était avant son séjour en prison. Celui qui se fait désormais appeler Malcolm X explique que le nom Little est un « nom d'esclave » imposé à ses ancêtres par les anciens propriétaires blancs. Dans l'Amérique esclavagiste d'avant 1865, les maîtres blancs (les propriétaires d’esclaves) donnaient à leurs esclaves leur nom de famille afin de les « marquer » comme leurs biens, leur propriété. Par conséquent, en l'absence de leur véritable nom d'origine africaine, les Noirs américains sont invités à adopter le nom « X » pour marquer le rejet de leurs noms d’esclaves. La lettre « X » représente à la fois la marque appliquée sur l’avant-bras de certains esclaves et l'inconnue mathématique, symbolisant ainsi l'inconnue du nom d'origine. Cette idéologie du nationalisme noir a mené de nombreux Blacks Muslims à changer leur nom pour « X » ou à prendre des noms musulmans ou des noms à consonance africaine, supposés plus authentiques.          

Itw malcomx

Malcolm X accorde de nombreuses interviews, donne des conférences dans des universités, organise des prêches dans des églises et mosquées, écrit des articles dans le journal de la Nation Of Islam pour dénoncer la suprématie blanche et appeler les Afro-Américains à la résistance. Très vite, il suscite l’intérêt des médias locaux et nationaux qui veulent connaitre l’avis du « Noir le plus en colère d’Amérique ».         

« Il n’y a pas de révolution pacifique (…). Il n’y a pas de révolution non-violente. La révolution est sanglante. La révolution est hostile. La révolution ne connait pas de compromis. La révolution retourne et détruit tout ce qui se met en travers de son chemin. Si vous n’êtes pas prêts à user de la violence, alors vous pouvez effacer le mot révolution de votre vocabulaire ! ».

« Il n’y a pas de révolution pacifique (…). Il n’y a pas de révolution non-violente. La révolution est sanglante. La révolution est hostile. La révolution ne connait pas de compromis. La révolution retourne et détruit tout ce qui se met en travers de son chemin. Si vous n’êtes pas prêts à user de la violence, alors vous pouvez effacer le mot révolution de votre vocabulaire ! ».

Malcom et les me diasMalcolm X.

La vie de famille :

En janvier 1958, Malcolm X épouse Betty X (née Sanders), une jeune musulmane pieuse rencontrée peu de temps auparavant et qui portera désormais le nom de Betty Shabazz. Six filles naîtront de leur union et auront toutes pour nom de famille « Shabazz ». Les enfants de Malcolm X et Betty Shabazz porteront des prénoms issus de la langue arabe ou à consonance africaine (parfois confondus avec des prénoms « musulmans ») : Attallah (née le 16 novembre 1958), Qubilah (née le 25 décembre 1960), Ilyasah (née le 22 juillet 1962), Gamilah Lumumbah (née le 4 décembre 1964) et les jumelles Malaak et Malikah (nées le 30 septembre 1965, soit sept mois après la mort de Malcolm X).

      

Malcomx family

Malcolmx family

Malcolm X et sa famille (sa femme Betty Shabazz et leurs enfants), en compagnie de Mohammed Ali, champion du monde de boxe, en 1964.

Prédicateur charismatique et excellent orateur :

En février 1953, le FBI commence à s’intéresser à Malcolm X et surveille de près les activités de ce jeune prédicateur charismatique qui prône un « nationaliste noir » et une « fierté noire » dans une Amérique ségrégationniste et raciste où les Afro-américains sont supposés baisser la tête.

« Nous déclarons notre droit sur cette terre, à être des hommes, à être des êtres humains, à être respectés en tant qu’êtres humains, à accéder aux droits des êtres humains dans cette société, sur cette terre, en ce jour, et nous comptons y parvenir par tous les moyens nécessaires ».

Malcolm X

En quelques années à peine, Malcolm X gravit tous les échelons, devient le prêcheur du 11ème temple de Nation Of Islam à Chicago, puis son porte-parole à New York et graduellement le numéro 2 de l’organisation. En 1954, Malcolm X est désigné pour diriger le temple no 7 de Nation Of Islam à Lenox Avenue dans le quartier noir de Harlem à New York (depuis 1987, Lenox Avenue est conjointement appelé « Malcolm X Boulevard »).

 Malcom x bvd

Il ouvre des temples supplémentaires dans plusieurs villes américaines, contribue largement à multiplier le nombre de fidèles de l’organisation. On lui attribue souvent un rôle prépondérant dans l’expansion du mouvement nationaliste qui est passé de près de 500 membres en 1952 à plus de 30.000 en 1963. Le charisme de Malcolm X n’est sûrement pas étranger à la popularité de la Nation Of Islam dans les ghettos noirs. Le jeune prédicateur utilise habilement les médias (journaux, radio et télévision) pour répandre et faire connaître, à travers les Etats-Unis, l’idéologie de la Nation de l’Islam. Jouant de son charisme et de son sens de la rhétorique, usant de la provocation par ses déclarations souvent controversées, Malcolm X fascine la jeunesse noire américaine et suscite l’intérêt des médias locaux, nationaux et même internationaux. Son habileté, son intelligence et son extraordinaire sens de la communication en font rapidement l’un des leaders politiques noirs les plus écoutés à travers les Etats-Unis. La jeunesse des ghettos est aussitôt séduite par son discours. Mais très vite, des rivalités éclatent d’abord entre Malcolm X et certains frères de la Nation Of Islam, puis avec Elijah Muhammad lui-même. Effectivement, la popularité de Malcolm X au sein de la communauté noire et sa sur-médiatisation commencent à inquiéter le leader du mouvement, Elijah Muhammad.                       

Conscient que sa notoriété suscite des jalousies, Malcolm X qui s’est imposé comme le numéro 2 du mouvement, tente de minimiser la polémique lors de ses apparitions en public. Progressivement, la renommée de Malcolm X finit par éclipser réellement celle d’Elijah Muhammad, au point qu’une chaine de télévision locale lui consacre en 1959 une interview en tant que figure politique de la communauté noire. Grâce à cette émission, la Nation Of Islam obtient une visibilité médiatique et Malcolm X acquiert une notoriété nationale considérable. Désormais, la presse, les radios et les chaines de télévision, nationales et internationales, vont retranscrire régulièrement ses moindres déclarations. Ces discours tranchants, controversés et sans concession lui ont donné une immense popularité auprès de millions de jeunes qui voient en lui le porte-parole d'une jeunesse noire en colère contre un système inique qui les opprime depuis des siècles.

Malcolm X aura donc largement contribué à la conversion de plusieurs milliers d’Afro-américains à l’islam. Le plus célèbre de ses convertis reste le champion de boxe Cassius Clay, qui adhère à la Nation of Islam en 1964, abandonne dans un premier temps son nom d’esclave et devient Cassius X, en l'honneur de Malcolm X. Puis, il adopte définitivement le nom de Muhammad Ali sur le conseil d’Elijah Muhammad.          

Malcomx et aliMalcolm X et le boxeur Muhammad Ali en 1964.

Profitant des rivalités internes au sein de la Nation Of Islam et des tensions raciales en nette augmentation au début des années 1960 dans la société américaine, le FBI infiltre le mouvement pour mieux en surveiller les activités, et surtout pour semer la discorde entre les leaders.

Vers une scission avec Elijah Muhammad :

Dès le début des années 1960, des tensions qui éclatent au sein de la Nation Of Islam vont éloigner progressivement Malcolm X de son mentor Elijah Muhammad. Ce dernier supporte assez mal l’aura sans cesse grandissante de son jeune collaborateur. Des divergences idéologiques, politiques et morales vont inéluctablement créer une rupture entre les deux hommes.

Sur le plan moral et éthique : des rumeurs persistantes éclatent sur la moralité quelque peu douteuse d’Elijah Muhammad. Ce dernier aurait entretenu des relations adultères avec plusieurs jeunes secrétaires de la Nation Of Islam. Elijah Muhammad aurait d’ailleurs eu des enfants avec 6 d’entre elles. L'adultère et la fornication sont contraires aux enseignements de la Nation Of Islam. Malcolm X est profondément déçu car ces rumeurs sont confirmées en 1963 par Elijah Muhammad lui-même qui considère « qu’étant l'envoyé de Dieu sur terre, il n'est pas soumis aux mêmes règles que le commun des mortels ». D’autre part, certains dirigeants de la Nation Of Islam reprochent à Malcolm X de s’occuper davantage de sa côte de popularité et des finances de l’organisation. En effet, Malcolm X constate que certains dirigeants font un usage personnel de l’argent du mouvement. Une telle attitude pourrait nuire à la crédibilité de la Nation Of Islam.

Sur le plan politique et idéologique : Après avoir longtemps critiqué sévèrement le pasteur Martin Luther King et ses méthodes non-violentes, Malcolm X commence dès 1964 à s’intéresser au mouvement pour les droits civiques des Noirs. Ce mouvement a pris son essor dès 1955 à Montgomery avec le boycott des bus lancé à la suite de l’arrestation de Rosa Parks, une jeune couturière noire qui avait refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus (le boycott des bus de la ville de Montgomery avait duré près de 385 jours). Officiellement et théoriquement le mouvement des droits civiques est en totale opposition avec le radicalisme et le nationalisme noir de la Nation Of Islam. Cependant, Malcolm X milite pour une organisation plus militante, plus politique et davantage impliquée dans le combat quotidien des Noirs pour la reconnaissance de leurs droits. Il n’exclut plus totalement l’intérêt pour les Black Muslims de participer à ce grand mouvement de masse qui réunit plusieurs millions de Noirs. En revanche, Elijah Muhammad est fondamentalement opposé à tout soutien à un mouvement attirant de nombreux Blancs. Le leader de la Nation Of Islam craint ainsi de perdre sa position dominante en cas de collaboration avec d’autres mouvements progressistes noirs ou blancs.

Le 22 novembre 1963, le président John F. Kennedy est assassiné à Dallas. Interrogé par les journalistes sur cette mort tragique, Malcolm X déclare, sans état d’âme, que John Kennedy n’a fait que récolter la violence qu’il a lui-même semée, ajoutant : « les poulets revenant au poulailler ne me rendent jamais triste, ils me rendent seulement heureux ». En d’autres termes, « qui sème le vent récolte la tempête ». A la suite de cette déclaration controversée légitimant l’assassinat de John Kennedy, Elijah Muhammad désavoue officiellement Malcolm X et lui interdit toute déclaration publique pendant 90 jours. Ce dernier ne conteste pas cette sanction. Mais, les relations entre les deux hommes ont désormais atteint un point de non-retour.   

La rupture définitive avec la Nation Of Islam :

En mars 1964, Malcolm X annonce officiellement son départ définitif de la Nation Of Islam, accusant les responsables de l’organisation de conspiration contre sa personne tout en leur reprochant de l’avoir poussé vers la porte. Malcolm X profite désormais de cette indépendance nouvelle pour asseoir sa stature internationale et voyager en Afrique (Ghana, Nigeria, Sénégal, Libéria, Egypte, etc…), en Asie, en Europe.

En quittant la Nation Of Islam, Malcolm X annonce la fondation de sa propre organisation religieuse, « The Muslim mosque inc. » et lance en même temps un nouveau mouvement, non religieux, essentiellement politique : l’Organisation de l’Unité Afro-Américaine (Organization of the Afro-American Unity, OAAU). Il change de registre et de rhétorique en s’éloignant progressivement du discours « raciste » qui diabolisait systématiquement les Blancs en les rendant responsables de tous les maux qui frappent la communauté noire américaine. Avec le temps, Malcolm X a donc fini par nuancer ses positions radicales sur le séparatisme noir. Désormais, il entend mener simultanément une lutte religieuse pour la promotion de l'islam dans la société américaine, et un combat politique en faveur des Afro-américains. Cependant, malgré sa rupture avec la Nation Of Islam sur le plan religieux, Malcolm X est resté relativement fidèle aux idées socio-économiques de l'organisation nationaliste noire. Il souligne notamment l'importance pour les Afro-américains d’avoir leurs propres entreprises et prône l’indépendance économique et l’autodétermination de la communauté noire. 

Malcom the last messageLe « meilleur ennemi » du pasteur Martin Luther King :

Malcolm X s'oppose au mouvement des droits civiques conduit par le pasteur Martin Luther King dont il critique la méthode non-violente appelant les Noirs à tendre l’autre joue et à prier pour leurs ennemis. Fidèle à l'idéologie de la Nation Of Islam, Malcolm X qui prône le repli identitaire, la valorisation et l’expression de l’identité noire, le nationalisme noir, ne partage donc pas le principe d’universalisme et d'indifférenciation entre les races prêché par le mouvement des droits civiques. Il se montre également très critique par rapport aux organisateurs de la Marche vers Washington pour le travail et la liberté (March on Washington for Jobs and Freedom) au cours de laquelle Martin Luther King prononça son célèbre discours « I have a dream » le 28 août 1963 devant près de 250.000 manifestants. En effet, Malcolm X conçoit mal le fait que des Noirs participent à une manifestation « menée par les Blancs devant une statue d'un président mort depuis cent ans et qui n’aimait pas les Noirs de son vivant ».

Tout au long de leur engagement politique, Malcolm X et Martin Luther King auront du mal à s’accorder. D’ailleurs, les médias américains n’hésitent pas à opposer systématiquement les deux hommes, créant ainsi délibérément une division au sein de la communauté noire. Malcolm X condamne assez fermement le pasteur King et les partisans de la non-violence et les accuse d'encourager la soumission et la lâcheté en demandant aux Noirs « de tendre l’autre joue » et de ne pas réagir violemment lorsqu’ils subissent les humiliations, les agressions, les violences et la brutalité des Blancs, de la police et du gouvernement américain.

Cependant, dès 1964, Malcolm X tente un rapprochement avec le pasteur King. Lorsque ce dernier obtient le prix Nobel de la Paix en décembre 1964, Malcolm X se rend à la cérémonie qui est organisée en son honneur pour le féliciter personnellement et dissiper toute ambiguïté ou rivalité. Il déclare alors aux médias présents à la cérémonie qu’ils luttent tous les deux pour la même cause, mais utilisent des méthodes différentes. Malgré cette tentative de rapprochement, Malcolm X reste très sceptique par rapport à l’efficacité du principe de la non-violence du pasteur King.

« Il a le prix Nobel de la paix, nous avons les problèmes. Nous suivons un général qui mène une bataille, et l’ennemi a tendance à le récompenser et lui remettre des prix. Cela me rend soupçonneux. Particulièrement s’il reçoit un prix Nobel de la paix avant que la guerre ne soit terminée ».

Malcolm X         

Malcom et martinDeux grandes figures de la lutte pour les droits des Noirs aux Etats-Unis :

Martin Luther King et Malcolm X, le 26 mars 1964. 

Un leader politique de stature internationale :

Après avoir quitté la Nation Of Islam en mars 1964, Malcolm X entreprend en avril 1964 un pèlerinage à La Mecque (le hajj) pour étudier le « véritable islam ». Durant ce pèlerinage, il rencontre des gens de toutes les couleurs, d’origines diverses, réunies par la même foi en l’islam. Désormais, il met de l’eau dans son vin, modère son discours jugé trop radical. A la fin de son pèlerinage en Terre Sainte de l’Islam, il adopte un nom musulman Malik El-Shabazz. Son épouse (Betty X) et ses filles vont dorénavant porter le nom de famille de Shabazz.

Il entreprend plusieurs voyages et une tournée internationale, qui le mèneront dans certains les pays africains : Nigeria, Ghana, Liberia, Sénégal, Maroc, Egypte et Algérie. Il y rencontre différentes personnalités politiques de premier plan, donne des conférences et prononce plusieurs discours. 

Malcom en egypte

Dans son combat contre le système impérialiste américain, Malcolm X acquiert une notoriété qui va s’étendre bien au-delà des frontières de son pays. Dorénavant c’est un leader politique et un révolutionnaire de stature internationale qui va rencontrer d’autres leaders et révolutionnaires luttant pour la même cause et contre le même ennemi : l’impérialisme américain. Malcolm X parcourt le monde et s’entretient avec les leaders des pays en développement : Kwame Nkrumah (président du Ghana), Ahmed Ben Bella (président de l’Algérie), le leader cubain Fidel Castro et Ernesto « Che » Guevara qu'il considère comme « le plus grand révolutionnaire qui soit ».                  

Malcom et fidelFidel Castro et Malcolm X

Il consolide les liens avec plusieurs leaders du tiers-monde. Il cherche à établir une coopération étroite entre les Afro-américains et les pays africains. Il place ainsi le combat des Afro-américains pour leurs droits civiques dans le champ plus large des luttes de libération des peuples opprimés d’Afrique en particulier et du tiers-monde en général. 

Malcom chez nkrumahMalcolm X devant la statue du président Kwame Nkrumah au Ghana en 1964.

Un homme à abattre :

Face aux violences policières ou celles perpétrées par les membres du Ku Klux Klan, et face aux injustices créées et soutenues par le gouvernement américain, Malcolm X prône l’autodéfense comme moyen de lutte pour les Noirs américains. Il légitime ainsi le fait pour les opprimés de recourir à la violence pour se défendre contre un système (police, justice, gouvernement) qui les maltraite et les brutalise. Dans un discours célèbre, prononcé le 3 avril 1964, peu de temps après son retour de la Mecque, intitulé « la balle ou le fusil », Malcolm X prône le recours à la violence et à l’autodéfense comme moyen de lutte pour les Noirs.

Plus qu’un contestataire qui défend des thèses fantaisistes, Malcolm X est désormais un homme politique potentiellement capable de mobiliser et de rassembler plusieurs milliers d’électeurs autour de son nom et d’un programme politique cohérent. Par ailleurs, il pourrait éventuellement bénéficier de moyens financiers et matériels importants aux Etats-Unis, et même à l’étranger. Au fil des années, il est devenu un agitateur politique susceptible de faire basculer le système. Il juge hypocrite que les Nations-Unies traitent de la situation des Noirs en Afrique du Sud (la question de l’Apartheid) et restent parfaitement silencieuses sur la condition des Noirs aux Etats-Unis. Malcolm X propose alors de présenter la question des Afro-américains à l’ONU pour mettre définitivement en accusation le gouvernement américain et le faire condamner pour le traitement inhumain infligé aux Noirs depuis des siècles. Dès lors Malcolm X franchit la ligne rouge et les menaces de mort vont se multiplier. Dorénavant c’est un homme à abattre ! Il se fait ainsi de nombreux ennemis parmi ses anciens amis de la Nation Of Islam, au sein de la police, du FBI et dans le gouvernement. Il échappe à plusieurs tentatives d’assassinats et ne se déplace plus sans gardes du corps. Désormais, ses jours sont comptés…

L’assassinat de Malcolm X : le dimanche 21 février 1965

En décembre 1964, Louis Farrakhan, membre de la Nation Of Islam, déclare à propose de Malcolm X : « un tel homme est digne de mourir ». Il faut bien dire que, fin 1964-début 1965, les tensions entre Malcolm X et la Nation Of Islam ne cessent de s’amplifier et les menaces de mort sont de plus en plus récurrentes.  

Le 14 février 1965, la maison de Malcolm X à New York fait l'objet d'un incendie criminel, mais sans faire de victime. La Nation Of Islam tente de minimiser l’incident et accuse Malcolm X d’être lui-même responsable de cet incendie pour se faire de la publicité.

Le 18 février 1965, Malcolm X déclare que « cette crise finira inévitablement par la violence. Pourquoi m’en veulent-ils tellement ? Parce que j’étais dévoué corps et âme à Elijah Muhammad et que j’ai entrainé derrière moi des milliers d’adeptes. En quittant le mouvement, j’ai semé le doute dans les esprits… ».

Le dimanche 21 février 1965, devant un auditoire de près de 400 personnes, Malcolm X prononce un discours à la salle Audubon, dans le quartier de Harlem, à New York. Sa femme et ses filles sont présentes dans la salle, assises au premier rang. Soudain, une dispute éclate entre deux hommes, l’un accusant l’autre d'avoir mis la main dans sa poche. Malcolm X demande alors aux deux hommes de se calmer lorsque trois personnes (probablement des membres des Black Muslims) se lèvent, s'avancent vers lui avec des fusils à canon scié et des revolvers et ouvrent le feu. Malcolm X s’effondre, touché par 21 coups de feu. Transporté vers l’hôpital le plus proche, il meurt des suites de ses blessures. A ce jour, on ignore encore les véritables commanditaires de cet assassinat. Cependant, les soupçons se portent naturellement sur la Nation Of Islam, probablement avec la complicité de la police locale, du FBI et du gouvernement américain. Malcolm X a-t-il été assassiné par « ses frères » noirs, par une « main invisible », une organisation secrète ou les commanditaires s’étendent-ils au-delà de la communauté noire ? La thèse la plus répandue, c’est que « Malcolm X a été assassiné par des Noirs armés par des Blancs ». Des recherches récentes ont montré que les autorités américaines étaient parfaitement informées de l'existence d'un projet d'élimination du leader noir et qu’elles ont laissé faire. En effet, il semble que le FBI ait eu connaissance de l'assassinat imminent de Malcolm X et l'ait couvert, voire aidé. C’est une thèse qui a été largement reprise par les membres de son mouvement, l’Organisation de l’Unité Afro-Américaine. 

Malcom murderMort de malcomx

En 1966, trois membres de la Nation Of Islam ont été reconnus coupables du meurtre de Malcolm X. Ils se nomment : Norman 3X Butler, Thomas 15X Johnson et Talmadge Hayer. Malgré ce verdict, la Nation Of Islam a toujours nié toute implication dans cet assassinat.Cependant, pour la communauté noire, il ne fait aucun doute que l’assassinat de Malcolm X est le résultat d’une vaste conspiration à laquelle ni la police de New York ni le FBI, encore moins le Gouvernement américain et la Nation Of Islam, ne sauraient être étrangers. Cette « exécution » a eu lieu dans des circonstances suffisamment mystérieuses pour susciter des interrogations et des soupçons à l’égard des autorités (Police, FBI, Gouvernement).          

Malcom x bodyBetty Shabazz, la veuve de Malcolm X, décédée en 1997, a ouvertement dénoncé l’implication directe de Louis Farrakhan (actuel leader de la Nation Of Islam) dans ce meurtre. En 2007, tout en démentant la participation de la Nation Of Islam, Louis Farrakhan a néanmoins reconnu avoir été « complice en paroles » puisqu’il avait déclaré en décembre 1964 « un tel homme est digne de mourir ».

Ainsi vécut et mourut l’une des plus grandes figures politiques du 20ème siècle. Bien après sa mort, de nombreuses œuvres artistiques, cinématographiques ou littéraires (ouvrages, documentaires, pièces de théâtre, peintures, films…) ont tenté de faire revivre ce grand leader de la cause noire.

 

 L'autobiographie de Malcolm X :

En 1960, la première rencontre entre Malcolm X et l’écrivain et journaliste Alex Haley n’a pas été très cordiale. Particulièrement méfiant et soupçonneux vis-à-vis des journalistes, Noirs ou Blancs, Malcolm X lance alors une phrase assassine à Alex Haley, venu pour l’interviewer : « Vous êtes une autre marionnette de l’homme Blanc envoyée pour m’espionner ! ».

Dès la fin de l’année 1963, Malcolm X entame une collaboration avec Alex Haley pour écrire son autobiographie. Peu à peu, une relation de confiance, une complicité fondée sur l’estime et le respect réciproques, va s’installer entre les deux hommes et va déboucher dès 1963 sur l’écriture d’un ouvrage commun. D’abord hésitant à l’idée de s’épancher sur son passé tumultueux, Malcolm X accepte finalement de raconter les détails de sa vie.

Du printemps 1963 à 1965, Malcolm X et Alex Haley se rencontrent régulièrement pour peaufiner la rédaction de cet ouvrage qui revient longuement sur son parcours exceptionnel. C’est à la fois un livre d’histoire, de sociologie politique et de psychologie. Malcolm X raconte son enfance difficile, ses premières expériences du racisme, sa vie de malfrat. Il dépeint et analyse toutes les manifestations de l’aliénation culturelle dont les des africains-américains de son époque ont été victimes. Il revient sur les questions relatives aux droits des Noirs, exploités et opprimés depuis des siècles, et à tous les moyens nécessaires pour qu’ils soient respectés.

Parue en 1965, peu de temps après sa mort, cette « autobiographie de Malcolm X » qui retrace la vie du leader nationaliste noir et nous éclaire sur sa pensée politique, connaîtra un immense succès à titre posthume. C’est un livre-testament, un ouvrage brillamment écrit, que les critiques littéraires considèrent encore aujourd’hui comme l’un des livres les plus importants du 20e siècle.

Durant un de leurs derniers entretiens, Malcolm X déclare à Alex Haley : « Si je suis encore vivant quand ce livre sortira, ce serait un miracle. De toutes les façons, maintenant, je vis chaque jour comme si j’étais déjà mort, et je vais vous dire ce que je voudrais que vous fassiez. Quand je serai mort - je le dis de cette manière parce que à partir de ce que je sais, je ne m’attends pas à vivre assez longtemps pour lire ce livre sous sa forme achevée- je veux juste que vous observiez et que vous voyiez si je n’ai pas raison quand je dis : que le Blanc, dans sa presse, va m’identifier à “la haine”. Il va m’utiliser mort de même qu’il m’a utilisé vivant, comme le prototype parfait du “haineux” – et cela va l’aider à fuir la vérité qui est que tout ce que j’ai fait a été de tenir un miroir pour refléter, pour montrer, l’histoire des crimes indicibles que sa race a commis contre la mienne. »

Heritage de malcomx

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’héritage de Malcolm X :

En mourant, ses idées n’ont pas totalement disparu avec lui. Elles furent reprises par nombre de groupes révolutionnaires aux Etats-Unis (les Black Panthers), des populations des ghettos et des quartiers défavorisés dans le monde entier (Soweto), des mouvements étudiants (la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France, F.E.A.N.F.), des pays ou des régimes politiques (le Burkina Faso de Thomas Sankara), etc., tous soucieux de plus d'équité et de justice sociale. Malcolm X inspira largement le mouvement du « Black Power » lancé dès 1966 par Stockely Carmichael, ainsi que des slogans tels que « Black and Proud », « Black is beautiful » qui ont permis de rallier nombre d’Afro-descendants et d’Africains à la « cause noire ».

Malcolm X a inspiré de nombreux rebelles et révolutionnaires noirs à travers le monde :

Tom smithTommie Smith et John Carlos aux Jeux olympiques de Mexico, octobre 1968.

Angela davisAngela Davis, une icône de la révolution noire (une des principales figures féminines du Black Panthers Party)          

StockeyStockley Carmichael, l’apôtre du “ Black Power ”.

Black panthersLes Black Panthers (Les Panthères noires). 

Bobby sealBobby Seal et Huey Newton, deux des membres fondateurs du Black Panthers Party 

Fela kutiFela Kuti, le père de l’afro-beat surnommé « Black President » (décédé en 1997) 

Bob marleyBob Marley, le pape du Reggae (décédé en 1981). 

Walter rodneyWalter Rodney, leader indépendantiste guyanais (assassiné en 1980).  

SankaraThomas Sankara, Président du Burkina Faso (assassiné en 1987).

Steve bikoSteve Biko, fondateur du mouvement « Conscience noire » en Afrique du sud (assassiné en 1977).

Amilcar cabralAmilcar Cabral, leader indépendantiste bissau-guinéen (assassiné en 1973). 

Pour ses millions d’admirateurs à travers le monde, Malcolm X est un défenseur des droits des Afro-américains qui a eu le courage de mettre en accusation les États-Unis pour les nombreux crimes (esclavage, extermination, ségrégation raciale, lynchages, assassinats multiples…) perpétrés contre les Noirs, les Amérindiens et les Asiatiques. Malcolm X est un révolutionnaire qui, s’inscrivant dans la lutte contre un système impérialiste, entend défendre les droits et la dignité de son peuple « par tous les moyens nécessaires » (« by any means necessary »). Par sa rhétorique et son sens de la formule, mais aussi par l'action civique, il a grandement participé à l'amélioration de la condition des « Noirs d'Amérique ». En revanche, ses détracteurs l'accusent d'avoir prêché le racisme (la haine des Blancs), la suprématie noire et la violence comme moyen de défense. Ayant pleinement conscience de l'image négative que ses détracteurs voulaient donner de lui, il avait prédit dans son livre autobiographique : « Après ma mort, ils feront de moi un raciste, quelqu'un de colérique qui inspire la peur… Je ne suis pas raciste. Je ne crois en aucune forme de ségrégation. Le concept du racisme m'est étranger ».

Après sa mort, de nombreux enfants noirs nés aux Etats-Unis dans les années 1960-1970, furent prénommés Malcolm ; de nombreuses œuvres littéraires, artistiques et culturelles (livres, documentaires, pièces de théâtre, peintures, films…) lui ont été consacrées. On peut citer par exemple le film de Spike Lee, sorti en 1992, et qui reste, sans conteste, l’œuvre la plus célèbre dédiée à Malcolm X.

Le film « Malcolm X » de Spike Lee :  

Le projet de porter la vie de Malcolm X au cinéma remonte à 1968 lorsque le réalisateur Marvin Worth rachète les droits du film à sa veuve Betty Shabazz. Un an plus tard, en 1969, l’écrivain afro-américain James Baldwin écrit un script en se basant sur l’autobiographie de Malcolm X (rédigée avec Alex Haley). Ce projet restera sans suite. D’autres réalisateurs réputés tenteront en vain de retracer au cinéma la vie et le combat politique du leader des Black Muslims.

En 1981, Spike Lee, étudiant en Art et Cinéma, assiste à New York à une pièce de théâtre intitulée « When the chickens came home to roost » racontant l’histoire de Malcolm X et jouée par un jeune acteur totalement inconnu du grand public : un certain Denzel Washington. Une décennie plus tard, Spike Lee est désormais un jeune réalisateur prometteur qui a déjà à son actif quelques films à succès. Il souhaite raconter la vie de Malcolm X. Et pour le rôle principal, il pense aussitôt à Denzel Washington qui, de son côté, a également fait du chemin.

Denzel en malcomxDenzel Washington dans le rôle de Malcolm X (le film de Spike Lee).

La Warner Brothers, la plus grande maison de production de Hollywood, donne son accord de principe pour financer en partie le film. Mais il reste à trouver les 40 millions de dollars de budget nécessaire pour retracer au cinéma l’itinéraire de Malcolm X. Spike Lee fait alors appel à des dizaines de personnalités de la communauté noire (sportifs millionnaires, stars de cinéma, musiciens, artistes, hommes d’affaires, professionnels des médias, …) qui acceptent chaleureusement de participer au financement du projet.  

La collaboration entre Spike Lee et Denzel Washington donnera un chef-d’œuvre du cinéma.   

D’autres réalisateurs ont tenté de faire revivre Malcolm X au cinéma. On peut noter par exemple le film « Ali », retraçant la carrière et le combat politique de Muhammad Ali, dans lequel le rôle de Malcolm X est incarné par Mario Van Peebles. 

Mario en malcom

Mario Van Peebles jouant le rôle de Malcolm X dans le film « Ali ». 

Mj en malcom xTshirt malcomx

Plus qu’un leader politique, Malcolm X est devenu une « marque » très populaire dans les années 1990 :

Avec les années, Malcolm X est devenu une légende, une figure emblématique dans les ghettos d’Amérique, les townships d’Afrique du sud, les favelas du Brésil, les banlieues françaises et dans tous les quartiers défavorisés du monde entier. Une véritable icône qui symbolise la révolte des peuples opprimés, exploités, stigmatisés et méprisés.

Tupac en malcomx

A travers cet article, nous voulions partager avec vous le parcours exceptionnel de cet immense révolutionnaire et apporter ainsi notre témoignage sur cet homme intègre qui lutta et sacrifia sa vie pour une cause juste et noble. 50 ans après son assassinat, Malcolm X demeure, avec Martin Luther King, l’un des leaders noirs les plus importants de l’histoire contemporaine.

RickyPar le Dr. Patrick Ricky NGUEMA-EYI.

Sociologue, anthropologue et politologue.

 

Pour plus d’informations sur Malcolm X, je vous propose quelques références utiles :

Bibliographie :

  • J. Barnes, Malcolm X, la libération des noirs, et la voie vers le pouvoir ouvrier, Pathfinder Press, 2010.
  • D. de Roulet, Malcolm X, par tous les moyens nécessaires, Desmaret Éditions, 2004.
  • Malcolm X et George Breitman, Le pouvoir noir, Editions La Découverte, 2002.
  • M. Rouabhi, Malcolm X, Actes Sud-Papiers, 2000.
  • Frank Steiger, Malcolm X : Les Trois Dimensions d'une révolution inachevée, Éditions L'Harmattan, 2003.
  • Malcolm X et Alex Haley, L'Autobiographie de Malcolm X, Paris, Editions Grasset,‎ 1993.
  • Malcolm X, Sur l'histoire afro-américaine, Éditions Aden, 2008.
  • Lilian Thuram, Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama, Editions Philippe Rey, 2010.
  • Philippe Godard, Malcolm X : Pensez par vous-mêmes, Editions Syros, 2006.
  • Fodé Sylla, Qui a peur de Malcolm X ?, 1993.

Filmographie :

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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Commentaires

  • Alvinalone

    1 Alvinalone Le 20/05/2016

    [u][/u] un super article on prend plaisir à le lire, et les photos sont magnifiques.
  • candys-noemie

    2 candys-noemie Le 24/05/2015

    Bravo Malcolm X.Tu as sue te combattre pour ta liberter.Grâce a toi,les noirs ont compris qui il sont vraiment !
  • candys-noemie

    3 candys-noemie Le 24/05/2015

    BravoB-)

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