Un collectif d'économistes dénoncent l'inefficacité du FCFA dans un livre.

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A l'initiative de la Fondation Gabriel Péri s'est tenue une rencontre-débat le vendredi 16 septembre 2016 dès 18 heures à Paris à l'espace Oscar Niemeyer autour de la parution du livre "Sortir l'Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le Franc CFA ?". 

Un ouvrage collectif qui s'inscrit dans la continuité du colloque organisé au Sénat le 17 septembre 2015 par la fondation Gabriel Péri, le Collectif Afrique du Pati Communiste Français et la fondation Rosa Luxemburg d'Allemagne. 

Cet aréopage d'économistes est constitué principalement de Kako Nubukpo, économiste, directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l'Organisation Internationale de la Francophonie, ancien ministre du Togo;Bruno Tinel, maître de conférences à l'université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, chercheur au Centre d'Economie de la Sorbonne;Martial Ze Belinga, économiste et sociologue;Demba Moussa Dembélé, économiste, président d'ARCADE (Dakar-Sénégal).

A ce premier groupe s'ajoutent Massimo Amato, historien et économiste, professeur associé à l'université Bocconi de Milan;Jérôme Maucourant, enseignant en sciences économiques à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, délégué CNRS au LABORATOIRE HISOMA, Histoire et Sources des Mondes Antiques;Denis Durand, ancien directeur-adjoint à la Banque de France, ancien membre du Conseil économique, social et environnemental et enfin, HédiSraieb, économiste du développement, consultant international.

De l'absurdité d'une "monnaie" née de la colonisation…

Dans le premier panel, Kako Nubukpo, économiste, directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et ancien ministre du Togo, prendra la parole en premier pour dénoncer l'absurdité du franc CFA aujourd'hui pour les économies africaines. Selon lui, sur le plan rationnel, rien ne justifie en 2016, cette monnaie héritée de la période coloniale. Pourquoi ? Parce que les économies africaines francophones sont structurellement faibles avec souvent échanges intra-communautaire entre la zone UEMOA et la zone CEMAC quasi-inexistants, avec une compétitivité internationale très faible par rapport à une monnaie très forte, ce qui laisse peu de place aux mécanismes d'ajustements monétaires en fonction de la conjoncture internationale. Une insertion primaire dans le commerce international avec souvent des balances commerciales déficitaires. Dans une zone aussi primaire sur le plan économique, maintenir un tel carcan monétaire est un suicide politique qui est porteur de très lourds périls pour l'Afrique et même l'Europe notamment avec des vagues migratoires sans précédent qui se déverse dans sa partie sud.

Par ailleurs, Kako Nubukpo mentionnera que la zone CFA est l'objet d'une répression monétaire depuis des décennies avec un ratio de 23/100 de couverture monétaire par rapport à la richesse nationale dans la zone Franc alors qu'au sein de la zone Euro, la couverture monétaire est de 100%. En Afrique du Sud, le ratio est même de 160% par rapport à l'ensemble de la richesse nationale produite. Cette répression monétaire facilite plutôt la fuite des capitaux et l'importation des produits étrangers au détriment de l'exportation qui développerait l'Afrique et jugulerait le chômage de masse et l'extrême pauvreté dans laquelle végètent les pays francophones.

Bruno Tinel, maître de conférences à l'université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, chercheur au Centre d'Economie de la Sorbonne pointera le fait que les banques centrales de la zone CFA sont des autorités monétaires sans réel pouvoir avec des monnaies très fortes pour des économies faibles et rentières. Il plaidera pour une politique de change plus réaliste et une vraie décentralisation des émissions monétaires.

Martial Zé Belinga, économiste et sociologue camerounais pense que l'Afrique doit opérer un « changement épistémologique » sur la question monétaire, les flux financiers et économiques parce que l'espace monétaire en zone CFA est liée à des servitudes coloniales. Une situation qui a permis la production d'un « faux systématique en écriture » à tous les niveaux dans la compréhension de la question du franc FCA.

Systématiquement, aucune question se rapportant au franc CFA ne trouve de réponse valable et satisfaisante. « On nous parle de Banque Centrale (BCEAO et BEAC) mais ces institutions n'ont aucun pouvoir d'une vraie banque centrale et dépendent du Trésor français. Alors, pourquoi les appelle-t-on Banques Centrales ? ; « …Le FCFA n'est même pas utilisé en France alors que c'est la France qui la garantit comme monnaie. C'est sa monnaie. Alors pourquoi parler de monnaie ? ». Tel est ce qu'il nomme « le faux en écriture sur le franc FCFA » et toute la narration politique et médiatique qui en découle !

Ainsi, la permanence du franc CFA obéit à des raisons cachées et des raisons officielles qui masquent une réalité de domination politique de l'Afrique. Il faut abolir cette zone monétaire CFA car elle est « un espace qui reproduit des rentes coloniales qui asservissent l'Afrique ». 

 

Demba Moussa Dembélé, économiste, président d'ARCADE, une ONG basée à Dakar au Sénégal dira quant à lui que « le FCFA n'a pas du tout contribué au développement de l'Afrique car 11 des 15 Pays Moins Avancés (PMA) utilisent le FCFA. » car ajoutera-t-il « Ces pays sont ceux qui disposent des indicateurs sociaux parmi les plus faibles au monde. ». Il urge de sortir du modèle néocolonial qui a fait faillite partout en Afrique. Ce modèle de développement des années 1960-1985 puis substitué par le modèle néolibéral est partout en déroute avec la misère et le chômage de masse des jeunes africains. L'Afrique doit recouvrer sa souveraineté monétaire qui est liée à une véritable indépendance politique et économique car les pays africains restent sous tutelle de la France malgré la "décolonisation formelle".

Le FCFA et l'Euro : deux monnaies et même domination capitaliste

Dans le second panel constitué de Massimo Amato, historien et économiste; Denis Durand, ancien directeur-adjoint à la Banque de France; Jérôme Maucourant, enseignant en sciences économiques à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne etHédiSraieb, économiste du développement, consultant international, il a surtout été question d'une approche comparative entre les zones Euro et CFA au plan économique et monétaire en lien avec l'épineuse question de la souveraineté.

Tout d'abord, il a été question de faire l'historique de la création monétaire en France à partir de 1360 jusqu'à son absorption au sein de la zone Euro par l'Allemagne à partir du Traité de Maastricht, ce qui a permis à l'Allemagne d'être la principale bénéficiaire de la monnaie unique européenne. L'Euro reste « un instrument de domination capitaliste sur le monde et le reste des pays européens » selon M. Denis Durand. L'Afrique doit sortir de cette nasse capitaliste et assurer le contrôle sur sa monnaie et éviter le piège de l'euro qui malgré son abondante circulation, ne profite pas aux peuples européens. La question du contrôle démocratique sur une monnaie est cruciale. Et le cas de l'Eurozone doit interpeller les Africains.

Il faut « une conscience directrice de la société » selon la belle formule de Jean Bodin, le principal théoricien en France de la souveraineté. Ce qui est commun doit appartenir à l'intérêt général.

La quantité de monnaie doit augmenter certes mais il faudra s'assurer que cela aille dans les secteurs qui bénéficient au plus grand nombre et non à quelques spéculateurs capitalistes véreux.

Pour les différents intervenants, l'Afrique doit renouer avec une véritable politique publique en matière d'économique et industrielle. Selon, le consultant international en développement, HédiSraieb, la gestion monétaire est une condition nécessaire mais pas suffisante. L'Afrique doit se doter ici et maintenant de véritables politiques économiques très ambitieuses à tous les niveaux. Il faut à titre d'exemple, renouer avec des « industries industrialisantes » pour créer la valeur ajoutée et développer l'Afrique et la sortir de la spéculation financière du FCFA comme celle dans laquelle se trouve aujourd'hui la zone Euro avec les trusts financiers comme Goldman Sachs. 

En guise de conclusion, Kako Nubukpo, ancien ministre de la Planification du Togo dira que « le commerce est au service de la monnaie dans l'espace francophone alors que chez les pays colonisés par les Britanniques, la monnaie est au service du commerce ». 

La conséquence directe de cet état de fait est qu'elle accroit chez les pays africains francophones ayant hérités de cette conception française de l'économie, une irresponsabilité et une incompétence quant à la gestion monétaire. Les pays africains anglophones ont quant à eux, acquis un sens de responsabilité et une expertise dans la gestion de leurs monnaies tournées vers le développement de leurs paysrespectifs. 

En un peu plus d'un demi-siècle d'indépendance, les Africains francophones sont encore considérés comme inaptes, mineurs et incapables à gérer par eux-mêmes leurs monnaies et sont assistés par des " experts français" qui siègent au sein des différentes "banques centrales" de la zone CFA. Une absurdité incompréhensible dont cette partie de l'Afrique devra se sortir plus que jamais pour prendre en main, sa propre destinée politique et économique.

Olivier DOSSOU FADO

source....cameroonvoice

Date de dernière mise à jour : 02/10/2016

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